FRAC Champagne-Ardenne

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Programme artistique

Programme artistique

L’interdépendance des jeux et de la culture est manifeste et offre des possibilités d’interprétation des sociétés contemporaines riches et fécondes. Au-delà̀ de la distraction et de l’oubli que procure le jeu, il établit des règles, librement consenties par ses participant·es, qui, par analogie avec la vie courante, agissent comme une expression du vivre ensemble. Le jeu fédère et devient ainsi un acte de vigilance sur la société. « Par le biais du jeu, l’homme se trouve en mesure de faire échec à̀ la monotonie, au déterminisme, à l’aveuglement et à la brutalité de la nature. Il apprend à construire un ordre, à concevoir une économie, à établir une équité »1. La classification du jeu, établie par Roger Caillois en 1958, exprime son immense potentiel à contaminer toutes les sphères de la société ; compétition, chance, simulacre et vertige embrassent toutes les catégories et les pratiques du jeu, à toutes les époques, dans le monde entier.

C’est sans doute la capacité du jeu à inventer librement et immédiatement dans les limites des règles, qui en a fait un phénomène social passionnant, à même d’inspirer les plus grands artistes du XXème siècle. Matisse, Picasso, Duchamp, Juan Gris, Magritte, Man Ray, Max Ernst, ont tous exprimé leur passion des échecs à travers la peinture, la photographie ou la sculpture, jusqu’à̀ la pratique publique de ce jeu de compétition. Le hasard a dessiné l’œuvre 3 Stoppages-étalon (1913-14) de Duchamp, marquant, dans sa pratique, le passage entre peinture et readymade. Le Ballet triadique d’Oskar Schlemmer (1926), les marionnettes Futuristes, les photographies de Claude Cahun et de Cindy Sherman, illustrent, à leur manière, le goût du simulacre. Enfin, manèges, tourniquets, parcours d’obstacles et balançoires des aires de jeu de Isamu Noguchi, Allan Kaprow, Enzo Mari, Palle Nielsen, puis Rosemarie Trockel et Cady Noland réveillent la panique voluptueuse du vertige.

La collection du FRAC Champagne-Ardenne réunit de nombreux artistes qui ont exploré les différentes facettes du jeu : Saâdane Afif, Simon & Tom Bloor, Stéphane Calais, Claude Closky, Pauline Curnier-Jardin, Jimmie Durham, Robert Filliou, Raymond Hains, Pierre Joseph, Florence Jung, Laurent Montaron, Joanna Piotrowska, Laure Prouvost, Robin Rhode, Sara Sadik, Pilvi Takala, Mükerrem Tuncay… La présence de ces œuvres dans la collection démontre le lien fort qui unit ce thème au territoire, de la création de la revue Le Grand Jeu en 1928 par quatre lycéens rémois proches du surréalisme, à la théorie des jeux écrite par Roger Caillois, écrivain et sociologue né à Reims en 1913.

  1. Roger Caillois, Les jeux et les hommes. Le masque et le vertige, Paris, Gallimard, Folio Essais, 1967, p. 126 [Première édition : 1958]